Les vins de notre Pays, Madiran en rouge et Pacherenc du Vic-Bilh en blanc, à la réputation antique, doivent tout aux femmes et aux hommes qui, en particulier depuis les moines bénédictins au XIe siècle, ont sublimé cette origine unique.
Notre histoire démarre bien avant le XIe siècle… Au Ve siècle, Salvien, moine de l’abbaye de Lérins, décrit déjà la Gascogne en notant que “tout le pays est chargé de vignes”.
Les terres qui composent aujourd’hui le vignoble Madiranais constituaient dès le XIe siècle le fief d’une abbaye de Bénédictins dont les ruines ont servi à reconstruire l’église paroissiale de Madiran, qui porte le nom de Sainte Marie. Ce sont les moines Bénédictins qui donnèrent de l’extension à la culture de la vigne dans cette région et qui firent connaître le vin de Madiran en le faisant goûter à tous les visiteurs ou pèlerins. Les vins de Madiran furent employés pendant très longtemps pour la célébration de la messe dans les diocèses de Tarbes, Oloron, Bayonne, et Auch. Aujourd’hui encore ces vins sont connus dans le Sud-Ouest sous le nom de “vins des curés”. D’après les archives départementales des Hautes-Pyrénées, les vins de Madiran avaient une importance considérable dès le XIVe siècle.
Antiquité
Ainsi, le vignoble est très ancien. À l'époque gallo-romaine, les vignes sont très présentes et le vin également, comme en témoignent les vestiges locaux de l'époque, notamment la mosaïque de Taron* qui présente un motif de vigne (les feuilles de vigne, à bords dentés, ornementées de cinq nervures disposées en éventail, forment une tache verte, rehaussée de jaune et de noir). Le commerce du vin est également florissant mais demeure surtout local.
* que l’on peut observer en l’église Assomption-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie. Une église composite des Xe, XIe, XVe et XVIIIe siècles bâtie sur une ancienne villa gallo-romaine. À l’intérieur, on peut observer les fragments de mosaïques du IVe et Ve siècles, remarquables par la qualité du décor essentiellement végétal (feuilles d’acanthe, de laurier, de vigne, de lierre…). Dans la chapelle sud (XIIe siècle) : un autel roman, une châsse de pierre et un curieux chrisme inversé.
Moyen Âge
La véritable structuration du vignoble débute avec la fondation du monastère de Madiran en 1030 : des moines de l'abbaye de Marcilhac-sur-Célé (Lot) s'installent et dédient un monastère à Marie.
Très vite, la renommée du vin de Madiran sera assurée par les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle empruntant la voie qui relie Aire-sur-l'Adour à Lescar, passant par Saint-Mont et Madiran. Il est donc devenu naturellement un vin de pèlerins et un vin de messe.
La légende veut que l'occupation du Béarn par le Prince Noir, qui devint en 1360 le prince d'Aquitaine, permit aux Anglais de découvrir le vin de Madiran.
Période moderne
Au début du XVIIe siècle, le prieuré devient la propriété des Jésuites de Toulouse. Les crises du XVIIIe siècle et du XIXe siècle vont freiner l’essor de la vigne. Avec le phylloxera, le vignoble se réduit peu à peu à une peau de chagrin.
Vers 1880, le commerce reste florissant. Grâce aux archives de la maison Dartigaux-Laplante, installée à Castelnau-Rivière-Basse, on sait que le Madiran se vend bien jusque vers Le Havre, Rouen et Dunkerque, et même en Belgique et à Hambourg. Les clients demandent alors des vins vieux de 4 ou 5 ans, voire 10 ans. Mais la crise phylloxérique et les crises successives, qui s'abattent sur l'ensemble du vignoble français jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale, réduisent à presque rien les efforts de qualité accomplis depuis le XVIIIe siècle.
Par la suite, les vignerons replantent, sélectionnent les meilleures parcelles et se regroupent en syndicat en 1906. Ils obtiennent la première délimitation du terroir de Madiran en 1909.
Période contemporaine
Le madiran est classé AOC (devenu AOP) depuis le 10 juillet 1948. Sa zone de production chevauche trois départements : le Gers, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. De nombreuses parcelles abandonnées sont à nouveau exploitées par des vignerons courageux qui, en parfaits lecteurs des terroirs d’exception qui ne demandent qu’à renaître, redonnent du lustre à ce grand vin que peut être le Madiran…
Extraits de la Monographie élaborée en 1889 par Félix Contraire, instituteur de Madiran (ce travail a été demandé à tous les instituteurs de France) :
“Monuments – L’église est très curieuse : sa fondation date du IXe au Xe siècle ; il existe encore quelques vestiges d’un ancien couvent au prieuré où les Bénédictins et les Jésuites se sont alternativement succédés. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, mais pour compulser tous les documents, il ne faudrait pas être limité par le temps. Dans les archives communales il est un vieux cadastre ou livre terrier ; c’est tout ce qu’il y a.
Origine – Sa fondation remonte à une époque si éloignée qu’il est impossible d’en préciser la date même approximativement. Son nom actuel nous paraît avoir été complètement changé : ce n’est point Madiran que l’on devrait prononcer mais « Maridan » du latin « Maria Dona » patronne de son église et du grand Monastère qui existait et duquel nous aurons à reparler dans la suite.”
En savoir plus :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Monographies_communales
http://delbrayelle.pagesperso-orange.fr/monographies_des_instituteurs.htm
“L’histoire sacrée nous rapporte que, dès les premiers siècles du christianisme, nos pères dans la foi se sont emparés des temples consacrés aux divinités païennes; ils en ont fait des églises dédiées au culte de la vierge et des Saints.
La tradition nous apprend encore qu’un temple païen était édifié dans le quartier de Moundio (Mons Jevis) dans le bourg même de Madiran. Dans la crypte, placée sous le sanctuaire de l’église prieurale actuelle, on trouve un chapiteau romain, qui ne pouvait venir que d’un temple païen ; seul, il est là au milieu des chapiteaux romans de la crypte et du sanctuaire.
A quelle époque le culte de la Vierge Mère a-t-il succédé au culte de Jupiter ? Immédiatement après la disparition des divinités païennes, c’est-à-dire vers le IVe siècle, peut-être même plus tôt.
Le bourg de Madiran est de vieille antiquité. Dom Estiennot, bénédictin, né à Varenne en 1649, mort en 1699, fut envoyé par ses supérieurs pour recueillir dans toute la France les documents propres à composer une histoire de son Ordre. De 1673 à 1684, il rédigea 45 volumes in-Folio, recueil précieux sur lequel ont travaillé de nombreux bénédictins.
Dans les quelques mots qu’il consacre à notre monastère, il fait connaître le nom primitif de ce lieu : “Monasterium de MANSO IRANI SEU de MADIRANO”.
On ne saurait préciser l’époque où fut fondé le Monastère primitif de Madiran, ni par qui il fut fondé. L’église de Madiran est une des plus anciennes et des plus intéressantes du département du Gers.
“Si nous nous reportons à l’acte de reconstruction du Monastère des Bénédictins, écrit vers 1080, nous dit M. Caddau, architecte des Monuments historiques du département, chargé de surveiller les travaux de restauration d’une partie importante de l’église, classée monument historique.
Dans sa notice de l’Eglise de Madiran, nous y voyons que peu d’années après le décès de Sancieus, Guillaume Par, le troisième Prieur, “bâtit une église à Sainte-Marie dans le Monastère, bien plus spacieuse et plus belle que celle qui existait déjà.
Guillaume Par ayant quitté le monastère en 1080, c’est entre 1030 et 1080 que se placerait la deuxième reconstruction de l’église conventuelle.”
Résumé qui précède le cartulaire de Madiran dans le fonds Doat à la bibliothèque nationale de France*.
“Environ 1088 – Relation de la fondation du prieuré de Madiran du diocèse de Tarbes avec les actes des donations faites audit prieuré contenues dans un ancien registre en parchemin trouvé aux archives des Pères Jésuites de Toulouse qui jouissent du dit prieuré ; lesquelles donations sont sans date à la réserve de deux, sauf que les comtes, archevêques, évêques et autres personnages de qualité qui vivaient au temps où lesdites donations furent faites y sont nommés ; de laquelle relation et donation la substance est marquée en signes particuliers.
Relation de la fondation du prieuré de Madiran contenant que Sautius chevalier, qui était de la race des seigneurs de Madiran et fils de Garsan, fils de Loup surnommé Picoth, venant d’Espagne qui fut le premier chevalier qui se réfugié à Madiran avec la permission de Raymond, comte de Bigorre, qui alla souvent repousser les ennemis avec Garsie Arnaud, comte de Bigorre ; qu’ayant été fait consul de toute la Gascogne, sa réputation s’étendit si loin qu’il reçut beaucoup de visites, entr’autres d’Etienne, abbé de Marcillac, qui le mena dans son abbaye, où il lui donna l’habit de religieux ; d’où étant retourné à Madiran, il fit agrandir le monastère et bâtir une église et alla après trouver Ricard évêque et ledit Garsie Arnaud, comte pour les prier de faire en sorte que les seigneurs de Madiran affranchissent ledit monastère ; lesquels s’étant assemblés avec les chevaliers et prud’hommes voisins, convinrent que pour cet effet ledit comte quitterait à Raymond Arnaud et à Santius Arnaud qui étaient les principaux seigneurs dudit lieu une albergue de 50 cavaliers qu’ils lui payaient tous les ans. Que quelques années après ledit Santius se voyant proche de mourir envoya chercher un nommé Bonus Par, son cousin, pour lui déclarer qu’il avait donné ledit monastère et tous ses biens audit abbé de Marcillac et pour lui dire de quitter sa femme et de se faire raser et couper les cheveux et qu’après qu’il aurait pris l’habit dans l’abbaye de Marcillac de reprendre ledit monastère ; qu’après la mort dudit Santius ledit Bonus Par se voulant mettre en possession du monastère, alla trouver avec les deux frères lévites, ses cousins, Bernard comte et Eraclius, évêque et les pria de se rendre à Madiran avec Aimeric, comte d’Auch, Bernard, comte d’Armagnac, Gaston comte de Foix, et les chevaliers voisins, pour mettre en liberté et sûreté le lieu de Madiran ; ce que lesdits évêques, comtes et chevaliers ayant fait, jurèrent de ne faire aucun tort ni dommage audit lieu ; que ledit Bonus Par parvenant à mourir, laissa ledit monastère sous la conduite et régime de Guillaume Par, son fils ; lequel ayant acquis d’un nommé Guillaume Donatus les dîmes des églises de St Léon, de St Marie de la Grasse et de St Michel de Sault, tua en duel Raymond Lupus de Lidos pour raison du bois de Médiana, où il se fit bâtir des hameaux et vécut, misérablement pendant quelque temps, mais que Pons évêque set Centullus comte, ayant appris sa mauvaise vie l’auraient chassé et mis à sa place un nommé Bernard qui acheta l’église de St Michel de Hagedet d’Etienne qui en était abbé ; que dans peu de temps, Gombert qui fut le quatrième abbé de Marcillac après ledit Etienne, son prédécesseur se souvenant que ledit Santius avait donné ledit monastère de Madiran audit Etienne alla trouver avec Vinald abbé de Moissac, Guillaume archevêque d’Auch, et lui fit voir en plein concile, l’usurpation qu’on lui avait faite du lieu de Madiran où Bernard était présent, sur quoi le dit archevêque consulta Pons évêque de Bigorre, et que ledit Gombert étant après en possession dudit monastère nomma B… pour en être abbé.”
* Collection de 258 volumes reliés. Copies d'actes anciens intéressant la Guyenne et le Languedoc. Copies faites de 1664 à 1669 sous la direction de Jean de Doat pour le compte de Jean-Baptiste Colbert. Cette collection, acquise en 1732 par la Bibliothèque royale, fait partie des “Collections sur l'histoire de diverses provinces”.
Les monastères “envahirent” l'Europe entre le IXe et le XVe siècle. On compte près d'un millier de monastères dans la France médiévale, dont 251 abbayes cisterciennes et 412 abbayes bénédictines.
Ces maisons regroupent entre une vingtaine de moines et jusqu'à 400 à Cluny, au temps de sa splendeur. Mais l'influence économique et intellectuelle des religieux n'est pas proportionnelle à leur nombre. Les monastères sont en effet un pôle de stabilité et d'innovations techniques remarquables à cette époque. Les moines et les moniales peuvent être considérés comme une élite intellectuelle, sachant lire et écrire (ce qui n'est pas courant dans l'Europe médiévale). C'est une main d'œuvre haut de gamme et “gratuite”, avec l'aide d'une foule de frères convers, de religieuses, de paysans et d'artisans salariés. Même si le temps réservé à la prière est important pour les religieux, l'activité du monastère est souvent plus efficace, donc plus économiquement rentable, que le travail des artisans et paysans du monde laïc.
C'est pourquoi les monastères sont souvent riches à leur apogée (XIIe siècle). Il est vrai qu'ils ont de lourdes charges : entretien des moines et des convers, soin des malades ou enseignement, assistance aux indigents, accueil des pèlerins. Un monastère doit pouvoir nourrir toutes les personnes qui sont dans l'établissement ou qui gravitent autour. Comme les dons ne suffisent pas, le monastère cultive les plantes, élève les animaux nécessaires à son alimentation et cherche à créer des surplus qui sont vendus à l'extérieur.
Au fil du temps, des monastères ont développé des productions qui ont acquis une certaine réputation. Ces productions d'origine monastique sont devenues des "produits du terroir".
La religion catholique, dominante en Europe au Moyen Âge, a besoin du vin pour sa liturgie. Le rite religieux de la messe est la représentation symbolique du sacrifice de Jésus-Christ. Dans le sacrement de l'eucharistie, le prêtre et les fidèles sont amenés à communier avec Jésus en mangeant le pain, corps du Christ, et en buvant le vin, sang du Christ. Par ailleurs le vin est très présent dans la symbolique chrétienne : outre les multiples références au vin qu'on trouve dans la Bible, Jésus, aux noces de Cana, a changé l'eau en vin et il a sacralisé le vin lors de la Dernière Cène. Dans une parabole de l'évangile de Jean, Jésus dit : “Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. C'est moi qui suis la vigne, vous êtes les sarments.”
Ainsi, dès les premiers siècles du christianisme, les abbés des monastères et les évêques, dans toute l'Europe, se transforment en viticulteurs et cultivent la vigne. Ils vont en particulier développer les vignobles d'origine gallo-romaine épargnés par les invasions barbares ou créer de toutes pièces des vignobles sur des terres vierges. Les monastères, qui se développent, font une grande consommation de vin. Il est utilisé pour la liturgie, mais figure également au menu du monastère. En effet, si certains monastères particulièrement ascétiques en interdisent la consommation, le vin est généralement admis comme une des bases de la nourriture quotidienne au Moyen Âge. Il est également utilisé pour le soin aux malades et des vieillards. Son intérêt est également économique : les surplus de vin sont vendus et participent à la trésorerie du monastère.
Bourgogne
• Chanoines de l'église cathédrale d'Autun : Aloxe, Pommard, Volnay, Meursault, Chassagne
• Clunisiens : Beaune, Vosne-Romanée
• Cisterciens de l'abbaye de St Vivant : Romanée, Romanée-Conti
• Cisterciens de l'abbaye de Pontigny : Chablis
• Cisterciens de l'abbaye de Cîteaux : Clos Vougeot
• Abbaye de Bèze : Chambertin
• Abbaye de Saulieu : Corton-Charlemagne
• Clunisiens du prieuré de La Charité sur Loire : Pouilly Fumé
Loire
• Abbaye de Bourgueil : Bourgueil
Savoie
• Abbaye de Notre Dame de Filly : Crépy et vin de Savoie cru Marignan
• Abbaye de Cluny : Roussette de Savoie, cru Frangy et cru Monterminod.
• Abbaye d'Arvières : Seyssel
• Evèque de Grenoble : Vin de Savoie cru Cruet
Côtes du Rhône
• Clergé de Tournon : Cornas
• Cisterciens de l'abbaye de Valcroissant : vin de Die (qui deviendra la Clairette)
• Papes d'Avignon : Châteauneuf-du-Pape
Languedoc Roussillon
• Templiers : Banyuls
• Abbaye d'Elne : Rivesaltes
Sud-Ouest
• Bénédictins de l'abbaye de St Michel : Gaillac
• Bénédictins de l'abbaye de Madiran : Madiran
• Cisterciens et hospitaliers : Moissac, Jurançon
Divers
• Couvent de Montmartre : vin de Montmartre (Paris)
• Bénédictins de la congrégation de Saint-Vanne : Champagne